Démarche théorique
Ce projet de PFE s'inscrit dans une démarche d'atelier autour de la fiction en architecture. Il s'agit alors d'élaborer un travail tant théorique que pratique : à partir de problématiques réelles et théorisées, le projet tente d'apporter des réponses à ces dernières par le prisme fictionnel. La fiction intervient alors à la manière d'un écrit, comme une ouverture vers un nouveau champ des possibles. L'établissement d'un scénario devient alors essentielle pour construire notre propos. La démarche engagée a ainsi pour objectif d'apporter une réponse architecturale qui s'inscrit dans un mouvement, le questionne ou s'en détache par la formulation d'hypothèses spatiales. La démarche théorique occupe ainsi une place fondamentale dans le projet, au même titre que sa conception.
Scénario
Le projet engage une démarche fictionelle autour de la notion du rêve. Le rêve, tant diurne que nocturne, peut être envisagé comme une réflexion spatiale et s'établir autour de celle-ci. En effet il prend place à la fois dans la sphère intime, mais aussi dans la sphère publique, au coeur de la ville. Dans sa première forme, il naît dans des espaces qui accordent une place prépondérante aux individualités : les espaces intimes. "On dit que l'homme habite dans l'intimité du foyer, cet espaces auquel on a donné des frontières presque infranchissables par rapport à l'environnement. [...] L'intimité est ainsi devenue réduite, unique espace où l'on puisse se soustraire aux regardes des autres, dans lequel chacun est à la fois unique et invisible de l'extérieur des murs, unique espace qui échappe à la circulation interminable des marchandises et de la production extérieur." Glòria Melich. Dans sa seconde forme, le rêve est envisagé comme champ des possibles du collectif, devenue le lieu des productions. Dans les territoires urbains, il se cache donc habituellement derrière des lieux de consommation. Mais nous pourrions l'envisager autrement : dans des espaces qui accorde une place aux rêves individuels comme communs, détachés du consumérisme, pour vivre sa ville autrement.
Par quels procédés architecturaux pouvons-nous proposer cette forme de ville rêvée ? Et comment théâtraliser cette dernière ?
La réponse architecturale tente de proposer des formes construites qui rendent possible l'expression de ces rêveries. Le théâtre en est devenu le point central : à la fois envisagé comme théâtre de l'intime mais aussi comme théâtre des possibles, ce support spatial joue le rôle de gardien des songes. Par ce biais, l'architecture dans ses formes les plus classiques, est repensée et déformée pour faire cohabiter ensemble des mises en scènes intimes et collectives.
Site de projet
Nous avons perçu une analogie possible entre la thématique du rêve et l’insertion dans la ville de Nantes. Cette dernière, “ville d’angles, d’ombres et de faux mystères”, est avant tout une ville théâtrale et littéraire. Elle renferme en effet bien des mystères et déploie dans ses limites physiques la possibilité d’un univers surréaliste. Si à première vue elle offre un tissu urbain classique jonché de grandes places et de grands boulevards, elle se déploie également selon une grille de lecture secondaire et un tissu urbain plus secret. Des jeux de décalage, de retraits, et de tracés triangulaires, renferment alors bien des surprises.
Les projections parallèles
Cette première chambre, perçue comme un espace de projection, invite son occupant à devenir spectateur de ce qui se joue dans la ville. Il se faufile au travers des différentes couches qui la composent afin de rejoindre en son centre, le lit, lieu de tous les possibles. Ainsi enveloppé dans ses draps et ses voilages, des scènes de vie peuvent y être projetées. Les pensées se dispersent, bercées par le flot d’images qui traverse la pièce afin de laisser s’endormir paisiblement le rêveur. Au fond de la chambre, sa fenêtre donne sur la place centrale. La ville est alors elle-même considérée comme un théâtre puisque son vide central permet le déroulement d’un véritable acte, considérant du même coup les passants comme autant de composantes du rêve éveillé.
L'écho des songes
Dans cette chambre, il s’agit de considérer les occupants comme acteurs de l’espace qu’ils habitent. Les rêveurs qui habitent les chambres voisines participent alors du déploiement de l’espace pour faire naître des rêveries partagées. Ces derniers communiquent d’une chambre à l’autre uniquement par des procédés autour du son. Ils peuvent entendre respectivement leurs songes agités. Ils longent ses courbes ou s’y loge; l’autre rêveur sera toujours caché derrière la paroi. Ces derniers ont le sommeil lourd et agité ou se laissent aller à leurs désirs et fantasmes. Les bruits sourds brouillent ainsi l’esprit. Par des jeux de parois décalés, d’ouvertures et de courbes, l’architecture de la chambre donne l’impression d’une antre protégée bien qu’elle entretienne une porosité avec ses espaces adjacents. Ses dispositifs architecturaux permettent également un lien subtil avec un mur de scène (celui du théâtre) qui dissimule les chambres dans son épaisseur.
Axonométrie coupée de la chambre aux systèmes sonores
Le cabinet onirique
Dans ses épaisseurs, la chambre contient des rêves sous forme écrite. Chaque individualité laisse alors une trace dans son expérience du lieu. Les rêveries qui composent la ville sont alors partout, stockées dans chaque recoin. Il s’agit de laisser soi même sa trace écrite dans ce processus en construction perpétuelle. Un récit infini se niche entre les murs de ce cabinet onirique. Par la fenêtre de la chambre, c'est alors un théâtre qui se joue. Des représentations peuvent prendre vie, entretenant toujours la confusion entre les acteurs qui le composent et les occupants qui l’habitent.
Axonométrie coupée du cabinet de curiosités
Photographies zoomées des trois maquettes de chambres
De gauche à droite : chambre de la camera obscura; chambre en cabinet de curiosité; chambre aux systèmes sonores