Le rêve et l'inconscient 
« La vie ne semblait digne d’être vécue que là où le seuil entre veille et sommeil était en chacun creusé comme par le flux et le reflux d’un énorme flot d’images [...]. » Walter Benjamin. 
Les rêves, signe le plus net de l’existence de notre inconscient, nous apparaissent aux portes du sommeil. Témoin​​​​​​​ de ce dernier, ils sont aussi l’expression des pulsions, des maux, des désirs et tourments qui traversent les hommes. Ils évoluent au gré de nos vécus, nous apaisent à travers nos plus belles projections, s’alourdissent aux côtés de nos angoisses et se multiplient en effleurant notre imaginaire.
Ils se manifestent dans l’inconscient et dans notre mémoire s’apparentent à des souvenirs que l’on peut décrire, raconter, analyser une fois l’état d’éveil retrouvé. Ils constituent à eux seuls une forme de langage propre qui, tout comme les souvenirs, peuvent prendre place dans le réel. Ils peuvent aussi témoigner d’une conscience collective, d’événements marquants, source de questionnements et de préoccupations. Bien que souvent mis de côté, oubliés, décrédibilisés, ou sous-interprétés, leur pouvoir d’introspection fait pourtant jaillir une source de connaissances non négligeable sur les sociétés que nous traversons La ville d’aujourd’hui est identifiée comme un espace qui donne à rêver par le prisme de la consommation, conduisant les Hommes à s’individualiser et se détourner de leur conscience collective. Elle pourrait cependant être construite sous un autre prisme, celui du rêve comme source d’actions dans le réel. Nous nous demandons alors par quels procédés architecturaux, peut-on offrir une nouvelle forme de ville rêvée qui s’affranchirait de ce rêve consumériste ? Et comment théâtraliser cette architecture au sein de la ville ? En devenant l’écran le plus visible des émotions éprouvées, le rêve deviendrait alors le porte-parole d’une conscience collective et nous faisons le postulat que des espaces pourraient lui être dédiés dans des temps, des lieux et des formes données.
Références bibliographiques de gauche à droite : BENJAMIN Walter, " Paris capitale du XIXè siècle, le livre des passages " ; 
FOUCAULT Michel, " Le corps utopique, les hétérotopies " ; 
Article de MELICH Glòria, " Entre " dans la revue Quaderns n°226.
Métaphores imagées​​​​​​​
Bien des choses se cachent derrière le mot “rêver”. Afin de les percer à jour, nous faisons le choix de l’analyser dans trois de ses dimensions, pour en extraire des concepts et des formes. Dans cette analyse, le rêve se réfère métaphoriquement à l’image de la camera obscura, un système optique qui devient le support de transformation du monde réel.
Le rêve est d’abord perçu comme une déformation de notre réalité dans sa dimension nocturne. Ainsi introspectif, il est le spectre par lequel nous pouvons accéder à notre inconscient. Il autorise alors à projeter en négatif les éléments que l’état conscient ne permet pas. C’est alors le monde réel qui devient la source primaire du rêve.
Nous l’analysons également comme un champ d’actions pour repenser le monde. Dans sa dimension éveillée, le rêve autorise à laisser libre cours à nos désirs et nos pulsions afin de percevoir différemment le monde. Le réel devient alors la source des fantasmes de l’homme pour agir dans la société.
Enfin, la troisième dimension que nous lui accordons serait une dimension collective. Le rêve nous apparaît comme un des socles communs à tous les Hommes. En cela, il est un évènement qui traverse l’Histoire en y laissant des bribes, des souvenirs et des traces. Les Hommes rêveurs dans la société traversent des espaces communs et sont en quête de sens dans cette dernière. Le rêve n’est plus seulement introspectif mais devient alors un évènement commun.

Photocollages et spatialisations des concepts évoqués
Réflexions sur l'intime
De cette analyse découle des questionnements sur les espaces qui permettent son expression. Il s’agirait d’identifier les lieux qui le rendent palpable. L’espace de l’intime constitue notre premier point de départ. Au cœur du sujet, cette “boîte réelle et imaginaire” accorde une place majeure à l’onirisme. Elle est donc envisagée comme une possible approche du rêve. Du Cabriolet bed de Joe Colombo à la Chambre de Lina d’Adolph Loos, des univers fantasmés sont projetés dans cet espace contenu.​​​​​​​
Le seuil, décrit comme l’espace de “l’entre-deux” par Georges Teyssot, apparaît comme le garant de cet intimité. Il permet physiquement de dissocier l’espace de la chambre de la sphère commune. Cette distance physique fait de la chambre le support de nouvelles temporalités et d’une expression de soi exacerbée.
Les épaisseurs, elles, sont envisagées comme la possibilité d’une dimension cachée. C’est enveloppé dans des couches successives que l’homme peut s’affranchir des masques à endosser. Il s’agit alors de spatialement dissocier ce qui se joue en dehors de la chambre de ce qui se joue dans son antre.
Selon le procédé inverse, ce sont les ouvertures qui permettent d’envisager une porosité entre la sphère intime et collective. Nous nous interrogeons donc sur ce que l’on expose de l’intime dans la sphère publique ? et ce que l’on fait entrer de l’extérieur dans l’espace intime ? Ces deux dimensions ne sont plus à distance et le projet tentera de les faire cohabiter au travers du rêve.
Tableau analogique visant à référencé notre sujet selon une étude comparative entre divers projets architecturaux qui traitent la thématique abordée. 
Réflexions spatiales & analogies
Le rêve, tel que nous l’avançons, n’existe pas seulement à l’échelle individuelle mais bien aussi à l’échelle commune. Des interprétations spatiales et plastiques permettent d’explorer diverses dimensions pour mettre à jour ses possibles formes. Perçu comme un espace dans lequel des couches s’accumulent pour en atteindre l’essence, le rêve se spatialise d’abord comme un parcours à arpenter. Il est aussi envisagé comme un évènement qui peut à la fois être enfoui mais qui tend toujours à ressurgir. Nous considérons alors tant sa partie émergée que sa partie dissimulée. A l’échelle d’un territoire urbain, il est considéré comme l’envers de la ville.​​​​​​​
Photographies de maquettes d'expérimentations spatiales 
L'allégorie théâtrale
Ces explorations mènent à se pencher sur les lieux et usages qui permettent l’expression d’un rêve collectif. Nous avons perçu dans le théâtre une allégorie possible avec le rêve. En effet, ces deux espaces physiques et psychiques se présentent comme la projection d’une scène où des protagonistes entrent en jeu. Ils sont les lieux dans lesquels l’énonciation d’une vérité subjective est rendue possible pour purger les passions des hommes. Le rêveur, dans son rêve, devient alors à la fois acteur et spectateur des scènes qui se déroulent sous ses yeux. Tandis qu’au théâtre, le spectateur ainsi que le metteur en scène se présentent, eux, comme les rêveurs de ce qui se joue devant eux. Le théâtre ainsi associer au rêve et identifier comme “gardien des songes” devient un acte légitime dans la mise en exergue du rêve collectif. Son usage permet de rendre tangible et palpable la spatialité du rêve. Le projet envisage le théâtre comme une entité entretenant une porosité avec l’extérieur. Dans son analogie avec le rêve, nous souhaitons ainsi lui conférer une dimension à la fois émergée mais aussi enfouie dans le territoire. De cette façon, le rêve viendrait se loger dans ce dernier pour accorder une place aux individualités qui le compose. 
Photographies du "Théâtre du peuple" de Maurice Pottecher.

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